Sibelle, les ravages des orages, le parfum des tomates et la gauche lotoise plus désunie que jamais
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ L’équipe de France de football conclut sa (trop) longue saison par un pâle succès face à la Grèce. Le score minimum (1-0) reflète la qualité globale du match et celle de l’arbitre espagnol qui a oublié de siffler plusieurs penaltys et qui, cerise sur le gâteau, a jugé bon d’octroyer 14 minutes de temps additionnel. Une façon de fêter son départ à la retraite sans doute, car c’était son ultime tour de piste. Il embrasse d’ailleurs comme du bon pain les joueurs avant de rentrer aux vestiaires. Mais une autre page est déjà en train de s’écrire. Un feuilleton qui semble sans fin. Oui ou non Kylian Mbappé va-t-il quitter le PSG pour le Real Madrid ? Certains regrettent cet aspect du football spectacle. On est autant tenu en haleine par le show permanent des coulisses que par la scène. Mais bon. Il faut faire avec. Sibelle en convient. Parfois, quand elle regarde les infos à la télé, elle s’intéresse davantage aux couleurs des costumes et des robes qu’à ce que disent les journalistes. Idem dans la vie de tous les jours. Ma protégée, encore, de retour du marché : « J’ai croisé Untel. Tu me croiras ou pas, il était descendu faire ses courses en tongs. »
Mardi._ Puisqu’on parlait de marché. Les tomates nouvelles de mon maraîcher préféré sont arrivées. Un régal. Charnues, tendres, parfumées. Un trait d’huile d’olive, quelques grains de sel de Guérande. Et le plat de l’été est là. Simplement. Généreusement. C’est bien simple, je n’achète plus de tomates le reste de l’année. Ma tigresse domestique qui a droit aux mêmes croquettes du 1er janvier au 31 décembre (à se demande expresse) feint d’être insensible au charme des saisons. Elle sait pourtant (hélas) à quelle période les oiseaux font leurs nids et quand les souris s’aventurent imprudemment dans notre jardinet…
Mercredi._ Voilà l’été. Et donc la fête de la musique. En raison de la météo, nous restons cloîtrés. Avec Sibelle, nous préférons mettre un disque. Parmi mes vieux vinyles, je choisis un 33 tours : « Montand à l’Olympia 81 ». Une succession de chefs-d’œuvre. Une preuve : ces quelques paroles de « L’Etrangère » signées Aragon : « Quand c’est fini, tout recommence / Toute musique me saisit / Et la plus banale romance / M’est l’éternelle poésie. Nous avons joué de notre âme / Un long jour, une courte nuit / Puis au matin, bonsoir madame / L’amour s’achève avec la pluie. » Avec ma petite féline, on en pleurerait.
Jeudi._ Quand j’étais gamin et que les orages m’effrayaient, ma chère mère avait cette formule : « N’aie pas peur, c’est le petit Jésus qui joue aux quilles ». Et bien, il s’est régalé dans le ciel de notre cher Lot cette semaine. Foudre, tonnerre, pluies abondantes. Un cocktail explosif. Ce matin, nous prenons conscience de la catastrophe en contemplant le paysage depuis notre maison, sur le haut du vieux village. La prairie est inondée, un train de voyageurs semble bloqué sur la voie ferrée, et plus tard, j’apprends que Calamane s’est mué en petite Venise. A Cahors, à Douelle, à Vers, à Cabrerets – liste non exhaustive – des routes sont coupées, des cours d’eau sont en ébullition. Un orage, ça va. Deux, trois, une dizaine… bonjour les dégâts ! En cette fin juin, on ne peut nier que ces phénomènes climatiques répétés, après les sécheresses des étés passés, contribuent à nous faire toucher du doigt l’incroyable naufrage dans lequel nous entraine la planète. Ou dans lequel nous l’avons embarquée. Il y a, qu’on le veuille ou non, une sorte de parfum de fin du monde qui flotte dans l’air. A tout le moins de fin d’un monde. Et le prochain ne sera pas plus sexy. Avec ma protégée, soudain, nous avons peur. On va remettre le disque de Montand à l’Olympia. « Est-ce que je rêve de vengeance ? / Ou bien est-ce que je vois des têtes / Émerveillées d’elles-mêmes / Émerveillées de leur dedans / Et se découvrant nouveau monde / Je suis mort répondez pour moi / Je m’appelais Jan Patočka / Argentin et bébé phoque arabe / Maintenant ça me revient… » Des paroles signées Topor, cette fois. Et que nous pourrions faire nôtres.
Vendredi._ Orages, inondations… Il en faudrait pourtant bien davantage pour que nos élites politiques bouleversent leur sens des priorités. Comme le veut une sorte d’habitude désormais, de nouveaux candidats se sont déclarés cette semaine en vue des sénatoriales de septembre : il s’agit du duo radical de gauche formé par Geneviève Lasfargues et Guillaume Baldy. La première nommée est suppléante du sortant Jean-Claude Requier, qui ne se représente pas. On l’aura compris, convaincue que majoritairement, les grands électeurs lui sont plutôt favorables, la gauche lotoise fait étalage sans complexe de sa touchante diversité. Et encore, il manque pour l’heure certaines nuances et pas des moindres. « Pas grave. Les mêmes jureront la main sur le cœur une fois le verdict rendu que l’important, c’est de jouer la carte de l’union… » conclut Sibelle.