Sibelle et la France éternelle, du gouffre de Padirac à la place Chapou via Nuzéjouls 

Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats. 

Lundi._ Nous sommes pleinement rassurés au sortir de ce dernier week-end de mars. Alors qu’on répète à l’envi que le pays est plongé dans une crise sociale sans précédent depuis des décennies, que le pays serait même en partie bloqué, au sens propre comme au sens figuré, que la démocratie est en danger, et nos retraites aussi, alors que l’on disserte sur les plateaux pour imaginer une sortie par le haut, qui ne froisse ni l’égo de nos dirigeants ni celui de leurs opposants, avec Sibelle, deux événements dont visiblement la sphère médiatique ne mesure pas assez l’importance nous ont prouvé qu’il s’agissait bien là de billevesées, pour ne pas dire de mensonges éhontés. Jugez plutôt : samedi, à Landerneau, dans le Finistère, plus de 2500 individus de tous âges et tous horizons se sont rassemblés pour tenter de battre le record mondial du plus grand rassemblement de schtroumpfs. Malgré la pluie et le vent, plus de 2500 personnes ont, dans la bonne humeur, déguisés en bleu, défié la commune allemande de Lauchringen. Le 16 février 2019, les officiels du Guiness Book y avaient décompté 2762 personnes arborant le costume des schtroumpfs. A cause de la météo sans doute, Landerneau a échoué. « Mais tout le monde a bien rigolé » souligne Sibelle. Le lendemain dimanche, c’est au Mans, évidemment, qu’un autre événement était signalé. Des bouchers et charcutiers, au terme de 4 heures et demie de labeur, ont réussi à battre le record de la plus grosse marmite de rillettes. Celle-ci pesait un peu plus d’une tonne, soit 1072 kilos. De quoi remplir 5000 pots de rillettes… dont 1000 ont été donnés à des associations caritatives. Cette fois, le Guiness Book a validé la performance. « Et ne venez plus dire après cela que la France n’est plus la France » ponctue ma protégée féline, qui préfère du reste lécher le fond d’un pot de rillettes que de lire une BD. Mais c’est un autre problème… 

Mardi._ Un collectif de commerçants initie une consultation dans le cadre du projet de rénovation de la place Chapou. Parmi leurs suggestions, la création d’un parking à rotation rapide. D’expérience (j’ai connu ce principe il y a quelques années à Charleville sur la place principale), tout le problème est de bien définir le concept de « rotation rapide ». 20 minutes ? 30 minutes ? Une heure ? Et ce n’est pas une boutade. Il ne faut pas en effet que ce système censé favoriser le maintien d’un minimum de chiffre d’affaires via les consommateurs devant effectuer de petites courses rapides (une baguette de pain, une bouteille de jus de fruit… ou de malbec, une paire de sandales en solde) ne se transforme pour les clients en question en véritable Koh-Lanta sans caméra. Il suffit qu’il y ait devant vous, à la caisse, un peu d’attente parce que la petite dame ou le vieux monsieur ne retrouve plus sa carte bleue enfouie au fond de ses poches, ou que vous croisiez un de vos supérieurs hiérarchiques ou un de vos oncles auxquels vous ne pouvez pas dire « zut » pour que le sablier ne s’épuise, et que la rotation rapide se transforme en course contre-la-montre… perdue in fine de quelques secondes. Vous arrivez alors en sueur à la voiture, et la baguette ou les sandales vont ont coûté fort cher. Rien n’est simple. Pour les touristes en revanche, qui ont du temps, puisqu’ils sont en vacances, c’est différent. Sibelle ressort du coup cette citation de l’auteur canadien Emile Genest : « Un touriste, c’est quelqu’un qui parcourt des milliers de kilomètres pour se faire photographier devant sa voiture ! » 

Mercredi._ A quelques jours de l’ouverture de la saison, la direction du Gouffre de Padirac a fait sensation en enchaînant les messages sur les réseaux sociaux. « Amis des villes, quittez l’enfer des poubelles pour le Trou du Diable, dès le 31 mars ! » a-t-on pu lire. Ou encore : « C’est le printemps ! Quittez les surmulots des villes pour les rats des champs en venant au Gouffre de Padirac dès le 31 mars… » La PDG du site Lætitia de Ménibus-Gravier s’en est expliquée dans Le Figaro : « Historiquement, les hommes jetaient leurs ordures dans les grottes et les gouffres. Une pratique enrayée grâce à Edouard-Alfred Martel, premier explorateur du Gouffre ». De fait, tombé malade après avoir bu de l’eau au fond de la cavité, il initia une loi interdisant les jets de cadavres et de détritus dans les gouffres. Et la dirigeante de noter encore que la plupart des touristes étrangers passent par Paris avant de séjourner en province. « Il faut croire que Madame de Ménibus-Gravier a le bras long. La CGT a appelé à suspendre le mouvement de grève des éboueurs parisiens à 48 heures de la réouverture du Gouffre de Padirac » relève Sibelle. 

Jeudi._ Enième épisode du feuilleton de la ligne POLT. On apprend cette fois qu’en raison des travaux de mise en accessibilité de la gare de Cahors (en l’occurrence, il s’agit notamment d’installer des ascenseurs reliant les quais au passage piétonnier souterrain), qui vont durer plusieurs semaines, l’intercité n°3634 sera supprimé entre Brive et Cahors du 12 au 22 avril. Du coup, un car sera mis en place du mercredi 12 au samedi 15 avril et du mardi 18 au samedi 22 avril. La présidente de la Région a fait part de son désarroi. Il est vrai que depuis plusieurs mois, pour d’autres raisons, le train en provenance de Paris s’arrêtait déjà à Brive… Tiens, au fait, ma tigresse domestique a une nouvelle définition de l’acronyme POLT : « Pourquoi Oublier Les Trains ? ». 

Vendredi._ Au lendemain de l’annonce par le chef de l’État d’un « Plan Eau », trois communes du Lot vont bénéficier d’une aide prioritaire pour réparer leur réseau de distribution : Girac, Glanes et Lissac-et-Mouret. Il est vrai que les pertes y sont de plus de 50 %… Au niveau national, en moyenne, un litre sur cinq est perdu à cause des fuites. Et à Cahors, la situation n’est guère flatteuse, avec 31 %. N’étant ni spécialiste des méga-bassines, ni du climat et encore moins des canalisations, je songe avec ma chère Sibelle au petit miracle quotidien de la source et donc de la fontaine qui fait la fierté d’un petit village, pas loin de chez nous. Son nom commence par « Nouzé » et finit par « Jouls ». Du 1er janvier au 31 décembre, chaque jour, y compris évidemment en période de canicule, voire de sécheresse, l’eau coule, imperturbablement, inexorablement. J’ignore de quelle nappe, de quel réseau hydrogéologique cette eau miraculeuse provient. Je n’ai trouvé aucune littérature sur le sujet. Mais qu’importe. Je sais l’été venu que je peux faire les quelques kilomètres qui me séparent de cette fontaine pour me rafraîchir. Mais chut. N’ébruitez pas cette information. Par les temps qui courent, il pourrait se trouver des décideurs pour imaginer qu’un aqueduc relie la fontaine à je ne sais quelle grande capitale. « Nous sommes pauvres mais nous sommes beaux et nous préférons l’eau d’ici à l’eau de là » conclut ma protégée. 

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