Sibelle, le train, la voie verte et la semaine de 4 jours
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Notre département et le ferroviaire, c’est un roman. Quand ce n’est pas la ligne POLT (Paris-Toulouse), c’est la ligne Cahors-Capdenac qui mobilise l’attention des élus et des militants. Mais si la première est toujours en fonctionnement (non sans mal parfois), la seconde a disparu des radars depuis plusieurs décennies. Sauf les voies. Car les trains, eux, ne circulent plus. Or, que l’on espère un jour les revoir, à l’heure de la révolution verte, n’est pas une forcément aberration. Sauf que le département et les collectivités ont depuis quelques années initié le développement de voies vertes. Le long de la Dordogne et le long du Lot. Des voies douces pour marcheurs ou vélos, notamment, comme il en existe le long de la Loire, du Rhône, et même de la Meuse. Quand j’habitais les Ardennes, les premiers tronçons étaient déjà en service… Sauf que la géographie n’est pas la même partout. Voie verte et voie ferrée peuvent-elles toujours cohabiter ? Ce n’est pas si évident entre Cahors et Capdenac. Pour une question d’espace, d’emprise au sol. Entre berges et falaises, parfois, ce n’est pas large. Euphémisme. Désormais, le Syndicat mixte des voies vertes du Lot a repris la gestion de la ligne. La convention vient d’être signée… « Contrairement à ce que certains essaient de faire croire, (elle) n’empêche en aucun cas le retour éventuel du rail dans les prochaines décennies » note le maire de Cahors. « Certes il y a le train, mais l’essentiel de nos trajets effectués en voitures sont inférieurs à quelques kilomètres » remarque le président du Département, qui pense que la voie verte sera aussi utile au quotidien, et pas seulement pour se balader le week-end ou étoffer l’offre touristique. Le débat continue. Sibelle est pensive. Lettrée, ma protégée se souvient de ces paroles de Grand Corps Malade : « Les histoires d’amour, c’est comme les voyages en train… » Alors elle ajoute : « Et dans le Lot, le plus compliqué, c’est de se mettre d’accord sur le contrat de mariage. »
Mardi._ On apprend que l’Ecole des Métiers ouvre un restaurant pédagogique début janvier à Cahors. On pourra y déjeuner les mardi et jeudi pour 18 euros. Reste à ce que les clients soient compréhensifs. Je me souviens d’une expérience fort désagréable il y une dizaine d’années dans un restaurant d’application d’un lycée hôtelier. A la table voisine, des pisse-froid avaient été affreusement imbuvables. Prenant un malin plaisir à se plaindre, à haute voix, quand le serveur avait oublié d’apporter une corbeille de pain, ou se moquant d’une serveuse qui avait quelque difficulté à déboucher un Bordeaux. Ma tigresse me souffle que j’aurais dû me lever pour les gifler. Pas sûr que cela aurait servi la cause des élèves.
Mercredi._ Une éclaircie dans l’actualité. La France se qualifie, non sans mal du reste, pour la finale de la coupe du monde. Cela ne fait pas oublier les milliers de morts sur les chantiers et toutes les réserves que l’on peut émettre sur le Qatar. Mais cette aventure des Bleus de Deschamps nous offre comme un parfum de 14 juillet en plein décembre, en pleine crise énergétique, en pleine crise tout court. L’équipe de France ne propose pas un jeu en forme de football champagne, mais elle est pragmatique, solidaire, et elle peut compter sur les coups de génie de certains de ses cadres. On saura ce dimanche si cela est suffisant pour empêcher un autre génie, Léo Messi, de couronner son palmarès déjà bien rempli. En attendant, en cet hiver qui nous semble déjà long alors qu’il débute à peine, tous les rayons de soleil sont les bienvenus, non ?
Jeudi._ Le remuant député Pradié s’est vite remis de son revers à l’élection pour la présidence des Républicains. Et continue de faire entendre sa différence. Cette fois, il s’agit de la réforme des retraites. Il confirme son hostilité au projet envisagé par le gouvernement (report de l’âge légal à 64 ou 65 ans) : « La droite doit porter une réforme des retraites juste, qui respecte ceux qui travaillent dur. Celui qui a commencé à travailler tôt finit tôt. » Et il va plus loin : « Ouvrons le débat sur le temps de travail, sur la semaine de 38 heures en 4 jours ! » Nous faisons le calcul avec Sibelle : cela fait un long week-end, certes, mais des journées de 9 heures et demie. Sans compter les pauses. Les expériences initiées dans certaines entreprises (semaine de 4 jours mais ne totalisant pas forcément 38 heures) semblent donner de bons résultats, toutefois. Reste à savoir si cela peut créer des emplois. Rien n’est simple. L’un des problèmes les plus épineux demeure aussi celui des temps partiels imposés, notamment dans les services (commerce, hôtellerie, aide à domicile…). Sibelle en profite pour glisser qu’elle ne connaît pas ces soucis : « Moi, quand je ne dors pas, je travaille ». Traduisons : quand elle ne dort pas (un chat ayant besoin en moyenne de 16 heures de sommeil sur 24), elle se poste sur le mur du bolet pour observer la vallée et les vignobles ou chasse à l’orée du causse. Il y a pire.
Vendredi._ C’est habituellement le jour le plus souriant de la semaine, celui qui annonce la week-end. Ce matin, ce vendredi s’est drapé dès le matin du noir tragique des grandes catastrophes. A l’heure où j’écris ces lignes, on dénombre dix morts dont cinq enfants dans l’incendie d’un immeuble près de Lyon. Quelque 170 pompiers ont été déployés, mais le bilan se révèle terrible. Et il y a des blessés en urgence absolue. Dans l’effroyable panique, un enfant aurait sauté depuis son logement et aurait été rattrapé en contrebas par les secours. Un miracle. Une frêle bougie dans cette nuit de terreur. Que dire ? On ne peut pas, dans certains cas, avoir mission de commenter l’actualité sur un ton badin sans se trouver désarmé, condamné au silence. A la compassion. Avec ma petite protégée, toutes nos pensées vont aux victimes, à leurs proches, aux habitants de Vaulx-en-Velin, aux courageux pompiers qui ont pris tous les risques (et sont parvenus à sauver des flammes une quinzaine de personnes). Tout le reste, soudain, semble dérisoire. Evidemment.
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