Cahors : Des fragments d’un sarcophage gallo-romain exceptionnel utilisés comme… décorations chez un particulier
Des scènes de vendange y sont notamment représentées.
Une histoire dans l’Histoire. Le Lotois Didier Rigal, archéologue à l’INRAP Midi-Méditerranée, l’avait évoquée en juin 2022 lors d’une conférence sur le thème « Le vigne et le vin dans la cité antique de Cahors ». Pour Medialot, il en dit plus.
« A la fin des années 80, un ami m’avait prévenu du réemploi de fragments de marbre blanc décorés pour la construction d’une maison. Je suis allé regarder de plus près. Le tuyau était bon. Il s’agissait bien de fragments datant de l’époque gallo-romaine. Après avoir fait des recherches, j’ai découvert l’origine de ces matériaux qui avaient fait l’objet d’un dessin avant la Révolution Française, en 1780. Il s’agissait d’un sarcophage qui se trouvait dans la cathédrale Saint-Etienne dont un fragment avait été déposé au musée Henri Martin » précise-t-il avant de présenter le monument authentifié : « Il s’agit d’un sarcophage de l’école d’Aquitaine qui fait partie d’une série réalisée dans du marbre pyrénéen dans le courant du IIIème siècle après JC. Des monuments dédiés à une élite avec un travail de sculpture important. Sur la face principale, l’édifice est constitué de 7 caissons représentant des vendanges. Des personnages ailés (amours) y cueillent du raisin, le foulent… Il y a aussi deux personnages assis de plus grande dimension qui sont certainement les commanditaires du sarcophage. Le thème de la viticulture est le thème de la résurrection. En plus sur un côté, il y a la représentation du bon pasteur qui garde des moutons et sur l’autre, Adam et Eve et l’arbre au serpent. Au départ, l’hypothèse était que ce sarcophage gallo-romain avait été réutilisé par des chrétiens mais il semblerait plutôt que ce sont de riches gallo-romains qui auraient embrassé la foi chrétienne. Sur la représentation post révolutionnaire de Pierre-Louis de Besombes de Saint-Géniès, le couvercle à fronton laisse apparaitre des dauphins et un cartouche qui devait contenir le nom des défunts. Les fragments de couvercle n’ont pas été retrouvés. En 1831, Guillaume Lacoste dans son « Histoire générale de la province de Quercy » en fait une description avec un trou au centre du couvercle qui aurait été fait pat les protestants lors du sac de la ville en 1580. Aujourd’hui, nous l’interprétons différemment. Il aurait été « réalisé » pour rentrer symboliquement en contact avec les reliques probablement avec un mouchoir. Là, nous serions sur un défunt chrétien peut-être un des premiers évêques de Cahors. Il y a eu au Moyen-Age une économie des reliques et des sarcophages. »
Et de conclure : « Aujourd’hui, un fragment est au musée Henri Martin et les autres morceaux sont chez un privé, utilisés comme décoration. Ce qui serait exceptionnel, ce serait de pouvoir récupérer ces fragments ou au moins d’en faire, a minima, des moulages. Grâce au dessin, il serait alors possible d’en réaliser une reconstitution. » Le début d’une autre histoire ou peut-être une belle suite.