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« Cartel du H » : L’anatomie d’un trafic de stupéfiants disséquée par le tribunal de Cahors


En décembre 2020, un important trafic de stupéfiants est démantelé à Cahors. Le « Cartel du H » était jugé ce jeudi 29 septembre.

Douze prévenus, presque autant d’avocats et deux jours de procès. L’affaire de stupéfiants jugée ces 29 et 30 septembre par le tribunal correctionnel de Cahors est d’une envergure peu habituelle.

Autoproclamée « Cartel du H », en référence au haschich mais aussi à la première lettre du prénom de son chef, l’organisation était implantée à Cahors de janvier à décembre 2020. Avec 21 personnes impliquées lors des interpellations, l’affaire a révélé une machine bien huilée où tout est fait pour appâter le client. Site internet, marketing, promotions, vente de kits… l’organisation criminelle était conçue comme un « véritable business ». Le « cartel » avait en effet mis en place six points de vente à Cahors, ravitaillés deux fois par semaine. Certains membres livraient même jusqu’à Caussade ou Figeac. Comme tout trafic, celui-ci ne faisait pas l’économie d’armes. Au cours d’un contrôle de véhicule puis d’une perquisition, les enquêteurs ont retrouvé deux fusils à pompe et deux kalachnikovs ainsi que des munitions. D’après les témoignages de plusieurs prévenus, le réseau approvisionnait une centaine de clients par jour.

Au bas de la pyramide, les plus jeunes, souvent des mineurs âgés de 15 ans, servaient de ravitailleurs et de « charbonneurs » (revendeurs). Un premier a assuré aux enquêteurs qu’il vendait près de 300g de cannabis par jour, un deuxième qu’il parvenait à toucher 2500 euros par mois grâce à ce trafic. Les responsabilités augmentent au fur et à mesure qu’on grimpe dans la hiérarchie. L’un s’occupe du transport, l’autre du réseau Snapchat, un troisième ne gère que la cocaïne. On apprend ainsi que la sœur de H n’était pas moins que « la banquière et la porte-parole du cartel parce que c’était elle qui gardait les sous et les armes ». La jeune femme est d’ailleurs poursuivie pour complicité et blanchiment d’argent. La mère aussi est de la partie hébergeant argent et arme chez elle.

Tous les prévenus sont relativement jeunes. Le plus âgé reste H, celui qui tient les rênes et à qui on obéit aveuglément. C’est lui qui crée le compte Snapchat alors qu’il est encore en détention. Encore lui qui recrute et monte le cartel dès sa sortie de prison. Toujours lui qui continue de gérer le trafic alors même qu’il est à nouveau incarcéré. Depuis la maison d’arrêt, il reçoit les informations, donne ses ordres et contrôle toute l’organisation à distance, même quand celle-ci commence à se fissurer. « Le H était le boss incontesté », dira de lui un des mineurs impliqués.

A 35 ans, l’homme a déjà passé 17 ans en prison. Son casier judiciaire comporte 19 mentions dont quatre par le tribunal pour enfants. Il purge actuellement sa peine précédente qui doit s’étendre jusqu’à mars 2025. « Je n’ai jamais su faire autre chose. Je ne pensais pas que ça prendrait autant d’ampleur. Je me suis inventé un personnage et je n’ai rien fait pour arrêter ça », explique-t-il. Mais face aux questions du tribunal, il s’emporte rapidement : « Je suis là pour vous dire la vérité, pas pour vous convaincre ! ». Le ton ne cessant de monter, l’escorte le reconduit en cellule. L’expert psychiatre note un caractère « autocentré » et une « intolérance face à la contrainte », ainsi qu’une impulsivité et une distorsion de la réalité.

Autre fait perturbant révélé par les témoignages : de nombreuses pratiques violentes avaient cours au sein du cartel. Si elles n’étaient pas l’objet de poursuites lors de ce procès, elles ont contribué à enraciner un peu plus l’autorité du « caïd ». Coups, fouettage avec des câbles de téléphone, brûlures … Tout était mis en place pour imposer une discipline de fer. Un ami d’enfance dira de H qu’il est « le diable ou Hitler ». Même lorsqu’il est en prison, des séances de punitions collectives sont organisées, filmées et envoyées au chef. « Les victimes, ça pouvait être n’importe qui. Celui qui se manquait. C’était soit on tapait, soit on se faisait taper. Je n’ai pas fait ça de mon plein gré, j’étais influencé », explique celui qui était la plupart du temps missionné par H pour infliger les violences à sa place. Dans le box des accusés où sont assis H et trois de ses complices les plus impliqués, on rigole ouvertement à l’évocation de ces violences.

« Les mineurs étaient particulièrement martyrisés, frappés, cassés par le premier cercle de ce trafic. On alterne entre terreur et fascination, crainte et allégeance, dans un but de dressage. H ne se salissait jamais les mains. C’est du sadisme », martèle le procureur. Pour les 21 prévenus, celui-ci requiert des peines différentes en fonction de leur implication dans le cartel : 12 à 18 mois de prison dont plusieurs avec sursis pour les « petits bras » qui transportaient les stupéfiants, 3 à 4 ans de prison pour le « bourreau du cartel », la soeur de H et les autres membres plus actifs, 7 ans d’emprisonnement pour les deux bras-droits, qui ont nié tous les faits en bloc, et 9 ans de prison ferme pour le chef. Le tout assorti d’amendes considérables : 20 000 euros pour la mère, 50 000 pour la sœur et 100 000 pour H. Le tribunal rendra son jugement ce vendredi 30 septembre après les plaidoiries des avocats.

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