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Sibelle, Figeac, l’année Champollion et les hiéroglyphes du débat présidentiel 


Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats. 

Mardi, « l’année Champollion » a été lancée à Paris (car dans notre cher et vieux pays, rien de prestigieux et d’important ne peut être initié ailleurs que dans la capitale). La prestigieuse Bibliothèque nationale de France présente ainsi jusqu’en juillet une exposition baptisée « L’aventure Champollion » en hommage à l’érudit lotois qui déchiffra les hiéroglyphes il y a tout juste 200 ans.

Présentation sur le site Internet de la BNF : « À peine âgé de 32 ans, le jeune savant expose son interprétation lumineuse du système graphique des Égyptiens anciens. Il offre ainsi au monde la connaissance des noms des pharaons bâtisseurs des pyramides, le déchiffrement des livres des morts trouvés dans les tombeaux et la compréhension d’une langue et d’une littérature perdues. L’exposition, qui s’adresse à tous et particulièrement aux jeunes publics, met en lumière la démarche de Champollion, son actualité et son influence jusqu’à nos jours. » Plus loin, on apprend que 350 pièces sont exposées, dont des manuscrits de Champollion ressemblant tout simplement à un précis de grammaire, voire à un dictionnaire bilingue français-égyptien… 

Je raconte à Sibelle que cela me renvoie à mes premiers pas à Figeac… « Ceux d’un bobo moyen débarquant chez les Indiens : j’allais visiter la cité natale du dénommé Champollion dont le nom m’était connu depuis l’école, une cité en forme de gros bourg au milieu de la cambrousse. Mais j’avais hâte. A l’instar de beaucoup d’enfants, Champollion m’était apparu d’abord, surtout et exclusivement, même, comme une sorte d’Indiana Jones ayant réussi dans les lointaines contrées d’Égypte, suivant la caravane au demeurant pas toujours pacifique de Napoléon Bonaparte, à déchiffrer les étranges inscriptions faisant office d’écriture pour les pharaons et leurs sujets. Il avait tout pigé, le Figeacois, via une sorte de dico gravé sur une pierre nommée la Rosette. Passons sur mes camarades de classe que le mot de « rosette » avait fait marrer parce qu’il est aussi celui d’une charcuterie. Et passons sur mes égarements car il m’a fallu attendre plusieurs années après le primaire pour que j’admette que le sieur Champollion né en 1790 n’avait pas mis les pieds en Egypte et encore moins suivi l’épique équipée de Napoléon quand il découvrit ce que signifiaient au moins en partie les idéogrammes de Madame Rosette. C’est bien après, à Paris, que le fondateur de l’égyptologie déchiffra les hiéroglyphes. Il ne mettra les pieds en Egypte qu’en 1828. Bref. On est au début des années 2000 quand je débarquai, en plein été, dans la ville de Figeac. On séjournait en location à quelques kilomètres. Durant le court trajet, j’avais fait le mariolle devant mes enfants. En exagérant sans doute les quelques éléments biographiques que je possédais sur Champollion (aussitôt baptisé Champignon par la voiturée). Et tout juste, donc, à notre arrivée, ma progéniture ne s’attendait pas à voir se dresser une pyramide le long de la rivière et des momies enfermées dans des sarcophages rutilants sur la place de la ville. C’est peu dire que je m’étais trompé en tout cas sur un point : Figeac, une cité en forme de gros bourg au milieu de la cambrousse ? Que nenni. Une fois visité le musée et observée la reproduction façon installation artistique contemporaine de la fameuse pierre, en famille, on déambula dans le cœur ancien. La place de la Halle et les rues qui s’y rejoignent sont en soi un musée à ciel ouvert. Un musée vivant, cependant, même si les maisons sont médiévales ou Renaissance ou d’époque plus récente. Et les commerces, et les étals, et l’atmosphère : il y a à Figeac un centre qui a tout pour plaire si peu qu’on ne soit pas hermétique au pittoresque, aux clins d’œil témoignant de quelques usages d’antan (sur le plan architectural – discrets décors sculptés – ou très concrètement liés au quotidien de jadis). Et au fil des années, des visites, de quelques missions professionnelles, j’ai compris que la ville elle-même avait réussi grâce à des élus et des entrepreneurs attachés à leur terroir comme à son rayonnement à conjuguer le charme d’un riche passé à l’audace économique. Grâce à ses unités aéronautiques, Figeac est la preuve que la géographie ne fait pas tout. Pas d’autoroute, pas de TGV, et pas d’aéroport, évidemment. Mais peu importe : la sauce a pris. La petite agglomération enclavée est aujourd’hui la capitale industrielle et économique du département. Avec ce revers de la médaille, gravée ou non de hiéroglyphes : on avait même du mal à y embaucher avant la crise sanitaire. Une vitalité qui se traduit encore par une culture très dynamique de tout ce qui touche à l’alternatif, au durable, à l’éco-responsable. Tout juste si, à quelques hectomètres des bâtiments où l’on conçoit les pièces des avions qui quelque part symbolisent, au même titre que les porte-conteneurs et Internet, la croissance et tout ce qui va avec (à commencer par la mondialisation), on ne prônerait pas l’économie décroissante et raisonnée. C’est un euphémisme : les deux coexistent ici. Champollion en aurait perdu son latin ? Allez savoir. Moi, je ne lis pas les signes plus ou moins cabalistiques que les sujets et scribes de Madame Cléopâtre savaient graver ici ou là. Mais j’ai fait latin jusqu’en terminale. Alors je vous sers cette citation en conclusion. « La fortune n’a pas les bras longs ; elle ne s’empare que de celui qui s’attache à elle. » C’est de Sénèque et je trouve que ça résume bien Figeac… » 

Ce long exposé a fini par lasser Sibelle. Ma protégée me lance tout à coup : « Je suis candidate ! ». Il me faut évidemment lui répondre que s’il s’agit de la présidentielle, c’est trop tard, et que si c’est pour les législatives, elle a encore le temps de réfléchir. D’ailleurs, dans une prochaine chronique, il nous faudra analyser (à notre façon) les résultats de ce scrutin. « Tu n’y es pas », répond la tigresse. « Je veux bien remplacer Anne-Sophie Lapix pour animer le débat entre les deux finalistes. J’ai déjà préparé quelques notes, quelques questions. On ne va pas s’ennuyer… »

Mais là aussi, c’est trop tard. Je dois expliquer à Sibelle que si Monsieur Macron et Madame Le Pen ont récusé la journaliste de France 2, ce n’est pas pour accepter d’être titillés par une sauvageonne débarquée des causses ou de la vallée du Lot. Ma protégée boude. Elle croyait que le temps de l’ORTF était révolu. 

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