Sibelle se projette en 2022 (avec un boulet au pied nommé Omicron)
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
A l’heure où j’écris ces lignes, le soleil n’est pas encore levé, mais depuis la crête de la colline, face à la maison, des couleurs rougeoyantes indiquent qu’il ne vas pas tarder à réchauffer la plaine. Elle est encore transie de givre et de gel, et les arbres fruitiers du verger, en contre-bas de l’ancienne école, semblent décorés de fines guirlandes blanches. Dans cet entre-deux, il n’y a guère que les voitures qui filent vers Cahors et quelques fumées s’échappant des cheminées qui donnent du mouvement à cette fresque hivernale. Noël approche, l’hiver aussi (celui du calendrier), et pourtant, je résiste mentalement : encore un peu de patience, et les jours vont commencer à rallonger. La période se prête aux paradoxes. L’époque aussi.
On ne va pas se mentir : il faut une certaine endurance pour garder le moral, en cette fin d’année. Et se projeter dans l’avenir relève d’un optimisme insolent qui force le respect. Dans ce contexte, avec ma tigresse domestique, permettez que l’on salue comme il se doit, par exemple, les dirigeants associatifs qui nous livrent comme si de rien n’était le programme de leurs festivals 2022. On apprend ainsi, notamment, que Grand Corps Malade sera au rendez-vous de la Meule Bleue (en septembre), que Ben Harper, Eddy de Pretto et Orelsan l’auront précédé sur la scène de l’Ecaussystème fin juillet tout comme Youssou N’Dour à Africajarc. Liste évidemment non exhaustive.
Mais se projeter, dans d’autres domaines, c’est imaginer aussi les conciliabules déjà nombreux ici et là pour savoir qui se présentera aux législatives, ou se ravir à l’avance de découvrir la nouvelle configuration du musée Henri-Martin en avril (avec une exposition inédite pour l’occasion de toiles signées de la reine du Danemark) ou de rêver au décorum festif qui baignera le Lot en été pour le passage du Tour de France. « Se projeter, oui, il le faut. Mais de fait, avouons que ce n’est pas facile de sauter dans le futur avec un tel boulet au pied » rage Sibelle. Un boulet qui se nomme selon les jours et les chaînes « Covid », « nouvelle vague », « pandémie », « 3e ou 4e dose », « delta », « Omicron », « masque »…
A ce propos, il y a tout juste une semaine, j’avais rendez-vous en milieu de matinée à la salle des fêtes de mon village de la Vallée du Lot, transformée deux jours durant en mini-vaccinodrome. Je m’étais inscrit en mairie pour ma dose de rappel. Et vous savez quoi ? J’en suis ressorti un tantinet ragaillardi. J’ai dit pourquoi à Sibelle : « Tu vois, c’est quand même chouette la France de nos campagnes. Ici, hors le protocole vaccinal lui-même qui ne diffère en rien, pour l’ambiance et la convivialité en revanche, on se rend bien compte qu’on n’est pas en ville. Puisqu’il faut patienter 10 à 15 minutes avant de quitter les lieux, histoire d’être certain qu’on ne va pas tomber dans les pommes (ou en tout cas avoir une réaction subite), on n’est pas abandonné sur une chaise dans une sorte de no man’s land. On nous propose un café ou un chocolat chaud, voire des biscuits ou des mandarines. J’ai presque été surpris qu’il ne fût pas prévu un verre de rouge (de cépage malbec évidemment). Et puis on salue le maire, on discute avec un ancien voisin, on demande des nouvelles de Madame Truc. » Sibelle a opiné du chef. Puis s’est inquiétée : « Personne ne t’a demandé de mes nouvelles ? ». J’ai répondu que non. Et deviné son soulagement. Des fois que certains l’auraient aperçue, il y a dix jours, quand elle s’est battue avec un matou descendu du causse et qui avait traversé le territoire de ma protégée en oubliant les gestes barrières…
Alors voilà. Il est temps déjà de vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année. J’allais ajouter « quand même ». Que ces rendez-vous soient synonymes d’apaisement, de tendresse, de générosité, et que quelques rires d’enfants viennent panser vos plaies, qu’elles soient physiques, morales, ou autres. Rendez-vous en 2022 ! Avec Sibelle, nous continuerons à observer le monde et le Lot depuis notre maison du haut du village. Il y a pire panorama, non ? Surtout quand, enfin, un franc soleil baigne le bolet et nous promet qu’il chérira encore nos rosiers et notre pied de chasselas au fil des prochains mois !
Rendez-vous le 8 janvier 2022.
Visuel @DR