Sibelle, l’affaire Le Pen, les cartes du Lot et les taxes douanières
Chaque samedi, l’actualité lotoise vue par Philippe Mellet et surtout par ses chats.
Lundi._ Je dois vous faire une confidence. En semaine, à l’heure du déjeuner, nous préparons un plateau repas avec Sibelle, et puis nous nous installons devant la télé pour regarder les nouvelles. Ce lundi, au menu, il y avait de beaux et bons restes du poulet dominical avec de petites pommes de terre rôties, et une coupelle de compote de pommes. J’allume le poste et nous voilà prêts. Mais si, dans l’assiette, il n’y a pas de surprise, en guise de journal, BFM nous propose une sorte de film à suspense. L’attente des résultats du bac, du palmarès des César ou du tirage au sort de la Ligue des Champions, à côté, c’est de la gnognotte. Car en direct, avec un ou deux reporters au palais de justice et une multitude d’experts en plateau, voilà que l’on égrène le long jugement et les peines décidées à l’encontre de chacun des prévenus dans le procès dit des assistants parlementaires du RN. On termine les dernières pommes de terre que l’on nous fait comprendre que la question n’est plus de savoir si Madame Le Pen sera condamnée et même si elle sera déclarée inéligible, mais si le tribunal assortira sa décision, sur ce dernier point, d’une exécution provisoire. Soudain, un imprévu. Avant même la fin de l’audience, avant même que son tour ne soit arrivé, la figure de proue du RN sort de la salle puis du palais et s’engouffre dans sa voiture sans un mot pour la nuée de journalistes. Quelques minutes plus tard, on comprendra qu’elle a souhaité mettre un terme à ce vrai-faux suspense et qu’elle avait compris ce qui l’attendait… Avec ma protégée, on a déjà regagné la cuisine, placé les assiettes et couverts dans le lave-vaisselle et passé un coup d’éponge sur le plateau. Pas question, ici, de vous faire part de nos réflexions. D’ailleurs, nous étions déjà passés à autre chose. Une question nous taraudait désormais : ce déjeuner ayant finalement duré un peu plus longtemps que prévu, est-ce qu’on avait encore le temps de faire une petite sieste avant de reprendre le boulot ? Ma tigresse a opiné du chef. On s’est donc accordé quelques minutes de repos. A l’horizontale. Chacun sa conception de l’exécution provisoire. Allez, quand même, je vous offre la citation trouvée par Sibelle pour ponctuer cette pause déjeuner un peu spéciale : « Ne te présente pas devant un tribunal dont tu ne connais pas le verdict… » C’est de Kafka. Quoi de plus logique après tout dans ce monde toujours plus kafkaïen ?
Mardi._ Revalorisation du RSA, suppressions de postes dans les écoles, collèges et lycées, manifestation spectaculaire (et légitime) à venir des usagers et des élus en réponse à l’inexorable dégradation du service public ferroviaire sur la ligne POLT… En marge d’une assemblée plénière consacrée à quelques sujets techniques, le président du Conseil départemental Serge Rigal a passé en revue hier les sujets d’actualité (et quelques-uns semblent vraiment le mettre en colère). Mais il a redit aussi son crédo… et sa fierté : « La solidarité ce n’est pas un coût, mais un investissement pour du mieux-être et du mieux-vivre et cela, ça n’a pas de prix. Aussi je pense que nous pouvons là aussi être fiers que sur les quatre derniers budgets, nous ayons consacré entre 60 et 65% de ces derniers à ces actions au service des gens. Oui servir le Lot, c’est avant tout l’aimer, aimer les Lotoises et les Lotois, en les aidant, en leur tendant la main, en les soutenant, sans faille ! » Bref, encore un peu, et il reprenait à peu de choses près la formule d’un de ses glorieux prédécesseurs, Maurice Faure : « Nous sommes (peut-être) pauvres, mais nous sommes beaux (et bons) ».
Mercredi._ On apprend via Médialot que les services de l’État mettent à disposition un ensemble de cartes (23 planches au total) présentant un état des lieux du Lot couvrant plusieurs thématiques (population, infrastructures, agriculture etc.). Et cela me ravit. J’ai toujours aimé les cartes, les vraies, pas celles des écrans numériques. Les cartes que l’on déplie, celles de mon enfance qui me faisaient rêver, où je voyageais en suivant avec le doigt les tracés des routes en rouge (les nationales) ou en jaune (les départementales) conduisant vers la mer, les montagnes, vers toutes sortes d’ailleurs. J’ai toujours aimé les cartes quand plus tard, étudiant en histoire et géographie à la faculté, j’ai appris à moi-même mieux comprendre les richesses des cartes dites d’état-major, avec leurs courbes de niveau et leur précision inégalable (on peut même y distinguer les arbres les plus remarquables). Bref. Je feuillette cet atlas lotois et je m’attarde un instant sur celle qui met en évidence le « Patrimoine environnemental et culturel ». Et vous savez quoi ? J’en conclus qu’il faut vraiment le vouloir, dans le 46, pour habiter à plus de quelques km seulement d’un site classé ou inscrit, d’un monument historique, sans parler des cumulards qui ont élu domicile dans un petit coin merveilleux relevant à la fois d’une réserve de biosphère (en l’espèce le bassin de la Dordogne) et du Géoparc mondial des Causses du Quercy.
Jeudi._ Donald Trump semble décidément prêt à faire… tout ce qu’il avait dit. Une nouvelle preuve avec l’annonce de taxes douanières présentée à la façon d’un show burlesque au cours duquel, par exemple, nos malheureux compatriotes de Saint-Pierre-et-Miquelon apprennent que les poissons qu’ils vendent en Amérique vont subir une taxe de 50 %. Pour la métropole et l’Europe en général, on en reste à 20 %. Ce qui est déjà énorme. Une nouvelle mauvaise nouvelle aussi pour les producteurs lotois, notamment les vignerons. Reste à mesurer comment les consommateurs américains vont réagir. J’ai le souvenir d’un viticulteur de la vallée du Lot dont les vins de malbec ne manquent pas de soyeux m’expliquant sa surprise quand un de ses correspondants à New-York, découvrant le prix de vente des flacons en France (un peu moins de 10 euros), lui avait expliqué : « Mon ami, vous allez devoir multiplier ce tarif par cinq, au moins, si vous voulez être crédible aux Etats- Unis… » Ma tigresse sort de sa léthargie : « Je ne comprendrai jamais rien à la psychologie des Américains… » Je n’ose lui avouer que son vétérinaire m’avait servi la même formule en parlant des chats !
Vendredi._ On annonce que la section de la voie verte reliant Cahors à Arcambal sera bientôt accessible. Longue de 9,5 km, c’est un nouveau maillon de cette liaison longeant la rivière, réservée désormais aux piétons ou deux-roues (non motorisés). Je formule la promesse à Sibelle que nous irons la découvrir, le moment venu. Nous marcherons l’un derrière l’autre, décontractés, nous humerons l’air sain du Quercy tout en observant le paysage et nous penserons, un temps, à ce dessin animé d’antan narrant les aventures de Minus et Cortex, avec leur dialogue inoubliable… « Tu vais faire quoi ? » demande l’un. « Tenter de conquérir le monde ! » répond l’autre.