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Christelle Bourguignat, mémoire vive du Lot


Bibliothécaire de métier, Christelle Bourguignat est chercheuse de coeur. Depuis plus de dix ans, elle recense et retrace les parcours de 168 personnes arrêtées et déportées dans le Lot au cours de la Seconde Guerre Mondiale.

Elle parle doucement, comme on feuillette un vieux document, avec précaution. Christelle Bourguignat avance avec méthode et ténacité dans l’un des territoires les plus sensibles de l’Histoire : la déportation des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis près de dix ans, cette bibliothécaire patiente et obstinée documente les parcours de 168 personnes qui ont été arrêtées dans le Lot, puis déportées, souvent à Auschwitz. Seulement 17 d’entre eux ont survécu. « Je voulais incarner ces noms pour qu’ils ne soient pas qu’une liste », explique-t-elle.

Dans les années 1990, alors qu’elle retrace sa généalogie, Christelle Bourguignat découvre que le second mari de son arrière-grand-mère, originaire de Saint-Cirgues, a été arrêté en mai 1944, suite à la rafle de Latronquière menée en représailles aux actions du maquis. D’abord emprisonné à Compiègne il a ensuite été déporté en Allemagne, « Il s’appelait Jean Vergne, mais son nom n’apparaissait pas sur la stèle commémorative. J’ai appris qu’il venait du Cantal, mais je n’ai jamais compris ce qu’il faisait dans le Lot à ce moment-là, alors que mon arrière-grand-mère vivait à Paris. » Cette dernière est morte quand Christelle avait 14 ans. « Elle ne parlait jamais de la guerre. C’était une génération qui restait silencieuse. »

Mais ce n’est qu’en lisant, bien plus tard, un article sur des déportés juifs de Gramat, que sa quête prend un nouveau tournant. « Il existe une stèle sur la place de la Halle. Je ne l’avais jamais remarquée, alors que je passe souvent à Gramat. Je ne savais même pas qu’il y avait eu des réfugiés juifs arrêtés dans le Lot. » Elle entre alors en contact avec Alexandre Doulut, historien chercheur spécialiste de la Shoah. Ensemble, ils partagent une conviction : la micro-histoire peut éclairer l’Histoire.

Forte de trente ans d’expérience en tant que bibliothécaire, Christelle Bourguignat, a l’obsession des documents. Responsable de collection au Réseau intercommunal de Paris Vallée de la Marne, elle a travaillé à la BNF, puis à la médiathèque de Saint-Brieuc. « J’ai toujours aimé les vieux papiers. » Pendant sept ans, elle aménage son temps de travail pour consacrer un après-midi par semaine aux archives : son autre vie.

C’est dans le Lot, terre de sa maison familiale où elle passe tous ses étés, qu’elle concentre ses recherches. Vingt-neuf communes sont concernées : « À Figeac, ce sont surtout des civils qui ont été arrêtés. À Cahors, Saint-Céré, Gramat, Souillac, il s’agissait davantage de juifs réfugiés. » Son objectif : faire récit, pas seulement mémoire. Elle épluche donc les archives, recoupe les convois, recontacte les familles, croise les listes et les noms oubliés. Elle documente chaque parcours dans des notices biographiques précises, retraçant les grandes dates, les lieux de vie, les circonstances de l’arrestation. Elle s’appuie sur des mémoriaux comme celui de Serge Klarsfeld ou les listes officielles des convois. Elle tombe ainsi sur des histoires qui marquent à jamais : celles d’un rescapé d’Auschwitz, d’enfants de déportés, de familles entières décimées.

Ce qu’elle cherche, au fond, c’est faire entendre ce pan souvent ignoré de l’histoire locale. « Il faut savoir qu’en 1942, les arrestations étaient diligentées par le préfet. Il s’agissait de rafles en zone non occupées. » C’est aussi l’histoire d’un exode qu’elle documente : dès 1940, le Lot devient une terre de passage, parfois d’ancrage, pour des milliers de réfugiés venus du nord, d’Île-de-France, ou de Belgique. « Rien qu’en mai 1940, 20 000 réfugiés belges sont arrivés dans le département », souligne-t-elle. Mais ceux qui s’y sont le plus durablement installés venaient d’Alsace, de Lorraine ou de Moselle. Des familles entières, fuyant l’invasion, espérant trouver ici un refuge. Beaucoup seront rattrapés par la guerre. « Le plus difficile, c’est de comprendre pourquoi ces gens sont venus dans le Lot. Beaucoup avaient fui Paris pour ce qu’ils pensaient être une zone plus sûre ».

Membre du comité scientifique du futur Musée de la Résistance et de la Déportation de Cahors, qui doit s’installer prochainement au Grand Palais, Christelle Bourguignat donne des conférences, envisage un livre, peut-être un site internet pour rendre public son travail. Pour elle, il manque encore une compréhension globale de ce que fut la déportation dans le Lot. « Je trouve que l’histoire de la déportation est mal connue dans le département. J’avais l’impression qu’on n’abordait toujours qu’un pan de l’histoire. » Alors, avec rigueur et humilité, Christelle Bourguignat poursuit son travail de mémoire, pour que ces trajectoires ne disparaissent pas dans les marges de l’Histoire.

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